J’ai, dans un précédent article, partagé un de mes cépages préférés – ou tout du moins celui du moment – le chenin. Les cépages sont à la base du vin et, vous le savez sûrement il en existe une variété énorme … l’ouvrage de François Collombert intitulé Cépages & Vins en présente 45 du Chardonnay au Riesling en passant par le Tannat plus confidentiel. Mais saviez-vous que certains sont interdits en France ?
Ils sont très peu connus, mais le Clinton, Isabelle, Jacquez, Othello, Herbemont ou encore le Noah sont des cépages interdits, alors qu’ils ont occupé plus d’un tiers de la surface viticole française juste avant leur prohibition.
Pourquoi ces cépages sont-ils interdits?
En 1934, ces six cépages ont été interdits (à la commercialisation) pour des “raisons sanitaires”. En réalité, il semblerait qu’il s’agisse plus d’une méthode pour lutter contre la surproduction de vin à l’époque et l’alcoolisme qui était trop présent, pour le gouvernement, dans les campagnes. Ces cépages importés des Etats-Unis pendant la crise phylloxérique fin XIXè siècle étaient très productifs – trop productifs pour certains.
L’un des problèmes montrés du doigt par les détracteurs de ces cépages interdits est son fort rendement. On connaît avec l’arrivée de ces cépages américains une hausse de la production, voir même un surproduction, qui atteint son apogée en 1907, comme c’est le cas dans le Languedoc Roussillon avec l’Aramon, un cépage très généreux (grosse grappes avec de gros raisin) en rendement.
La propagande de l’époque disait que le Noah donnait un vin dangereux. Le vin qu’il donnait, était considéré comme un vin qui rend fou. Ce même cépage a aussi été appelé “vin à trois” car il était dit qu’il fallait deux personnes pour soutenir le buveur qui en avait pris un peu trop.
C’est d’ailleurs en 1935 que naissent les alcoolique anonymes – aux Etats-Unis mais on peut deviner une prise de conscience progressive du problème dans le monde.
De plus on les décrit, notamment l’Isabelle, aussi comme ayant une odeur “foxée” ou de renard et qu’ils se vinifient mal. Deux arguments faux puisque, comme le montre le reportage de Stéphan Balay, Vitis prohibita; l’odeur foxée est en réalité une erreur de traduction. L’Isabelle est en réalité comparée à un renard, car la vigne pousse très proche du sol comme peut l’être l’animal.
Des cépages pas si horribles…
Le reportage de Stéphan Balay nous montre l’envers de la médaille. Ces cépages, en plus d’être résistants aux maladies, ne nécessitent pas de traitement phytosanitaire… Un avantage non négligeable pour les vignerons.
Autre point fort de ces cépages, ils sont très faciles à bouturer. C’est même grâce aux greffages en combinant les cépages américains avec les cépages du vieux continent qu’on arrive à sauver le vignoble français.
Cépage interdit donc, mais cépage peu coûteux et qui a sauvé le vignoble Français, voire même européen. Drôle de manière de les remercier.
On peut penser à un lobbyisme des entreprises vendant des produits phytosanitaires qui ont poussé l’interdiction, mais d’après mes recherches, les produits phytosanitaires n’apparaissent que dans les années 1940 en France. Néanmoins, avec l’après Guerre et le Plan Marshall, acheter des produits phytosanitaires venant des Etats-Unis donc, contribue au bon « déroulement » du programme/prêt américain
Et aujourd’hui?
Interdits depuis plus de 85 ans, la commission européenne en 2019 propose d’autoriser à nouveau ces différents cépages interdits dans le cadre de la Politique Agricole Commune comme nous l’explique l’article de Vitisphère. Cette proposition en France ne semble pas avoir trop passionné les foules. Ce qui est plutôt prévisible quand on voit le comportement de certaines AOP françaises, vignerons ou autres acteurs de la filière poussant plus à des vins standardisés qu’à des initiatives laissant les vignerons et le terroir s’exprimer comme ils le souhaitent.
Si vous souhaitez en apprendre plus sur les cépages interdits, je vous conseille le reportage de Stéphan Balay: Vitis prohibita disponible sur la plateforme Cinémutins. C’est évidemment l’une des sources principales de cet article.
Sources:
- Historia Janvier 2021
- Vitis prohibita de Stéphan Balay
- Vitisphère
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